La prochaine suite Office pourra créer des documents au format PDF : questions et perspectives.

Avertissement : le texte de cet article, exception faite du gras, des liens hypertextes et des références, est publié depuis le 6 octobre 2005 sur le site de l'Elenbi Strategic Review, hebdomadaire en ligne de l'association EBG (Electronic Business Group), qui regroupe de grandes sociétés autour de sujets liés aux nouveaux médias et aux NTIC. La lettre d'information hebdomadaire envoyée le 6 octobre mentionnait également l'article, qui est en ligne avec la mise en page de l'Elenbi Strategic Review à http://www.elenbi.com/achats_et_b2b/archives/2005/10/le_pdf_dans_off.php.

Microsoft, par la voix de Steven Sinofsky, senior vice-president, a annoncé le 1er octobre que la prochaine version de sa suite bureautique, baptisée actuellement Office 12, permettra d'enregistrer les documents de Word, PowerPoint, Excel, Access, InfoPath, Publisher et Visio au format PDF (Portable Document Format).

Cette annonce a été fortement mise en avant par l'éditeur, via interview de Steven Sinofsky et blog interne. Comment considérer cette décision qui soulève une série de questions ?

Premier point, cela n'est pas du tout une nouveauté en soi. En effet des logiciels concurrents proposent déjà depuis plusieurs années cette fonctionnalité, notamment les suites bureautiques StarOffice et OpenOffice.org. D'autres outils plus anciens intégrent même la création de PDF depuis très longtemps.

Deuxièmement, Microsoft admet que le PDF est l'un des formats les plus utilisés, notamment pour diffuser de l'information indépendamment du logiciel de création utilisé, et cela de manière très large grâce à des lecteurs PDF nombreux et multiplateformes (Windows, Mac, Linux). En permettant aussi facilement de créer du PDF, ne serait-ce pas au détriment des nouveaux formats d'Office 12, basés sur XML (.docx, .xlsx, .pptx), eux aussi mis en avant ? En effet, une des stratégies de Microsoft est d'inciter à diffuser des documents à son format fermé, pour imposer l'utilisation de ses logiciels dédiés, et donc aussi des seules plates-formes informatiques où ils sont disponibles.

Troisième point : mais que devient Metro ? Metro est un format annoncé en mai dernier par Microsoft et qui sera présent dans Windows Vista. Or Metro est un concurrent assez direct de PDF.

Point plus important encore, Microsoft utilise et propose donc un format ouvert : les spécifications du PDF, établies par Adobe, créateur et mainteneur du format, sont disponibles et librement utilisables. Ainsi, en plus des nombreux lecteurs PDF, de multiples logiciels (autres que Adobe Acrobat) peuvent générer du PDF, grâce à cette réelle ouverture. Adobe joue le jeu de la concurrence avec le format PDF, il l'ouvre totalement, sans enfermer dans un format. Microsoft profite de cette ouverture, mais fera-t-il de même ?

Autre élément, cette décision est une attaque frontale du marché des utilisateurs qui achètent Adobe Acrobat pour ne faire du PDF qu'avec Office. Cela sera désormais inutile (comme avec OpenOffice.org). Quelle est la part de ce marché pour Adobe et quelles conséquences cela aura-t-il sur ses ventes ?

Pour ce qui est du PDF dans Office 12, il s'agira officiellement du 1.4 : il faut que les spécifications soient strictement respectées, sans extension propre à Office (ce qui serait contraire à la dénomination PDF), sans brevets. Microsoft annonce qu'il n'intègrera pas la gestion des droits numériques (DRM) d'Adobe, mais on peut craindre qu'il y aura les siens, comme cela est déjà possible dans Office 2003.

Enfin, dernier point : après le PDF, Microsoft doit continuer ! En effet cette décision marque une certaine ouverture. Elle est à poursuivre dans deux directions :

  • celle de jouer le jeu de la concurrence en ouvrant aussi ses formats, sans restriction d'utilisation ; mais ce n'est peut-être pas le plan prévu, habitué à bloquer le jeu en brevetant formats et protocoles, pour fermer un marché qu'il domine, et l'utiliser comme levier ;

Les formats ouverts, comme les protocoles ouverts, sont les garants de l'interopérabilité et d'une saine concurrence.

Sources et liens :