L'AFNOR va voter au nom de la France à propos des formats bureautiques
Quelle est la position de l'AFNOR pour la France à propos de OOXML ? Il n'est pas aisé de répondre à cette question pourtant facile à poser et très importante.
OOXML est le format bureautique de Microsoft, Office OpenXML. Il a été reconnu comme un standard ECMA en décembre 2006 [1], après étude du dossier et vote des membres, dont la liste est connue. OOXML est désormais proposé à l'ISO pour l'établir comme standard ISO selon une procédure appelée fast track (elle est plus rapide que celle habituelle).
L'ISO va donc décider si elle retient OOXML sans étudier de manière approfondie ce format, faisant confiance au travail de l'ECMA. Pour prendre cette décision, l'ISO reçoit les avis de ses membres jusqu'au 5 février 2007.
L'AFNOR (Association française de normalisation [2]) qui représente la France, fait partie des membres de l'ISO et du groupe de travail consacré à la validation OOXML. L'AFNOR va donc donner la position française à propos de la procédure et du format Office OpenXML.
Quelle sera la position de la France au travers de l'AFNOR ? Et comment est décidée cette position AFNOR ? Ces 2 questions sont importantes et il n'est pas facile d'y répondre. D'une part le format ODF, concurrent de OOXML, est déjà utlisé en France (par exemple par toute la Gendarmerie nationale) et mis en avant au sein du projet de RGI (Référentiel Général d'Interopérabilité).
D'autre part, des information contradictoires circulent à propos de la prise de décision de l'AFNOR (plus précisément du groupe de travail qui s'en occupe) :
- la liste précise des membres du groupe de travail concerné est confidentielle pour certains, et seulement non-publiée pour d'autres ;
- les membres de ce groupe de travail AFNOR ne seraient pour certains que des entreprises privées (dont Microsoft, HP, IBM, France Télécom) sans représentant des services publics, et pour d'autres plus équilibrés entre secteur privé et public, voire avec seulement des représentants du secteur public et des consommateurs.
Toujours est-il que ces informations sur les membres et leurs voix respectives pour déterminer la position de la France ne sont pas vraiment connues : à ce stade rien n'a été trouvé sur les site de l'AFNOR ni de l'ISO.
Mise à jour du 31 janvier après-midi : mercredi matin se tenait au salon Solutions Linux une conférence sur l'administration électronique. L'information de la participation de Microsoft, HP, IBM et France Télécom a été confirmée. Et le groupe de travail concerné ne comporte aucun très peu de représentants du secteur public et aucun ni des consommateurs.
Mise à jour du 2 février matin : l'université de Paris X et l'Inspection générale de l'éducation nationale (IGEN, Ministère de l'éducation nationale) seraient aussi présentes dans le comité en charge du dossier, au titre donc de l'administration publique (mais personne de la DGME en charge du RGI)
Mise à jour du 2 février fin d'après-midi :
- l'association APRIL a communiqué à l'AFNOR « ses remarques concernant le format bureautique ECMA-376 Office Open XML et la procédure d'adoption rapide », document au format PDF, http://www.april.org/groupes/institutions/20070202-AFNOR.pdf ;
- Question du député Bernard Carayon, Question écrite à l’attention de Monsieur le Ministre délégué à l'Industrie sur la cohérence de la position française en matière de formats logiciels ouverts, http://www.bcarayon-ie.com/blog/index.php?2007/02/02/48
- l'association AFUL a publié un communiqué de presse où elle « appelle l'AFNOR et les organisations de normalisation francophones à s'opposer à l'usage de la procédure accélérée dans l'examen d'une deuxième norme bureautique à l'ISO. », http://www.aful.org/presse/afnor-fasttrack-iso
Sources et liens :
- [1] Communiqué de presse, Ecma International approves Office Open XML standard, le 7 décembre 2006, en anglais, http://www.ecma-international.org/news/PressReleases/PR_TC45_Dec2006.htm
- [2] Site de l'AFNOR, http://www.afnor.org
- La polémique lorsque Microsoft était accusé de bloquer l'adoption par l'ISO du format ODF, en avril 2006 : « "C'est mal connaître le fonctionnement de l'ISO", répond de son côté Bernard Ourghanlian, directeur technologique chez Microsoft France. "Au sein de l'ISO, seuls sont habilités à voter les Etats", explique-t-il à Vnunet.fr. Chaque pays est représenté par un organisme de certification local : l'Afnor pour la France » (article Microsoft vs Sun : la guerre des formats de documents se déplace à l'ISO, de Christophe Lagane, le 7 avril 2006, vnunet, http://www.vnunet.fr/fr/vnunet/news/2006/04/07/microsoft-vs-sun-formats-documents-deplace-liso)
- Site du JTC 1/SC 34 - Document Description and Processing Languages, en anglais, http://www.jtc1sc34.org/
Et sur Formats-Ouverts.org :
- il y a 1 an : Fin de Windows Media Player au format Mac (Microsoft ne propose plus son logiciel multimedia pour Mac OS X : c'est logique)
- il y a 2 ans : Nouvelles recommandations du W3C (Le W3C publie 3 recommandations)
19 réactions
1 De Fred LAMOUR - 31/01/2007, 19:24
Juste un commentaire que je comprenne bien le problème. La France donne carte blanche à l\'industrie américaine pour définir ce qui est bien pour elle, sociétés américaines... enfin MS qui va décider si le format MS est un bon format !!!
J\'ai dû rater un épisode.... mais que font nos dirigeants ??? (c\'est tout de même plus stratégique que des histoires de scooter, ou autre )
On pouvait déjà s\'étonner que l\'ECMA valide aussi rapidement 7000 pages de spécifications, en aussi peu de temps....
Il semblerait normal que la France prenne réellement son devenir en mains.
2 De Zoulou - 31/01/2007, 22:39
Et oui, pendant que nos scientifiques Français font l'analyse d'ADN d'un voleur de scooter , les experts américains décident de combien de Milliards d'Euros la france va contribuer à payer les pensions de retraites des Américains. Et les Français , toujours aussi cons , vont continuer à voter pour ce système . Bravo Cocorico !!!
3 De anonyme - 01/02/2007, 14:26
La mise à jour du 31 janvier après-midi apporte des informations erronées.
Le secteur public est représenté dans le groupe de travail AFNOR, ainsi que le monde universitaire.
4 De ODF_ISO26300 - 01/02/2007, 17:02
Le groupe sur lequel s'appuie l'AFNOR est composé de représentants de : ADALOG, GEMALTO, BULL, CAPGEMINI, IBM, FRANCE TELECOM (3 représentants), GIE SESAM VITALE, GROUPEMENT DES CARTES BANCAIRES, GS1 FRANCE, HEWLETT PACKARD (2 représentants dont le président du groupe), LSTI, MICROSOFT (3 représentants), POLE TRACABILITE, SAGEM, TYPICMEDIA, UNIVERSITE DE PARIS 10, UTE, EDUCATION NATIONALE (IGEN).
Ainsi chacun peut se faire un avis sur la composition du groupe : 2 représentants du secteur public (1 Education nationale + 1 universitaire), 21 représentants du secteur privé, dont nombre de sociétés nord-américaine et non des moindres. Si la France dit oui à la procédure de Fasttrack, on saura pourquoi !
5 De anonyme - 02/02/2007, 16:49
La mise à jour du 2 février matin apporte des informations erronées.
Le secteur public est représenté dans le groupe de travail AFNOR, ainsi que le monde universitaire.
6 De Pascal Poupet - 02/02/2007, 19:26
Il est important de bien comprendre comment les décisions sont prises dans la normalisation, car cela relativise les jugements qu'on peut porter à partir du nombre de représentants des différents membres. La prise de décision se fait par consensus, c'est à dire par la recherche d'un point de vue auquel la plupart des sensibilités représentées peuvent se rallier. Il n'y a pas de vote: il est donc impossible à un participant d'imposer un point de vue du fait de son poids numérique. Si une catégorie des intérêts représentés s'exprime par la voix de 10 membres, cela ne fait pas pour autant une décision, même si une autre catégorie des intérêts en jeu est représentée par seulement une personne. A l'extrême, cela peut amener à une position d'abstention si les points de vue sont irréconciliables. Mais comme ce n'est en général l'intérêt de personne, il est très rare de ne pas trouver un terrain d'entente, même si cette conclusion de correspond pas à la position de départ ni des uns, ni des autres.
7 De Cricri - 03/02/2007, 10:27
Monsieur Poupet , quel est le montant de la cotisation pour acceder à ce groupe de travail ?
Quelles sont les modalités d'Inscription ? Qui a le droit de participer et qelle sont les pièces justificatives demandées ?
Pourquoi certains viennent ils plus nombreux que d'autres ?
Comment peut on avoir le programme de ces groupes de travail, prochaines sessions, dates, dates limites d'inscription etc ..
L'Afnor dispose d'un site web . Pourquoi ces informations ne sont pas publiées ? L'Afnor manquerait elle de transparence ?
Enfin , trouver vous normal qu'on parle bien de la position de la France en tant qu'"ETAT " à travers une commission composée d'inscriptions privées payantes accessibles à des sociétés étrangères ?
8 De Thierry Stoehr - 03/02/2007, 15:51
Les questions de Cricri se posent, en effet, même si elles dépassent de manière évidente le cadre de ce seul sujet et concernent par exemple la question du financement en général d'organismes comme l'AFNOR. D'un côté, on peut comprendre qu'un paiement soit nécessaire pour faire partie de l'AFNOR (voire pour la faire vivre) ; de l'autre, quant le sujet est très sensible, comme les format de données numériques, l'équilibre entre les acteurs concernés est sans doute au minimum de mise.
Merci à Monsieur Pascal Poupet pour ses précisions et aussi pour son intervention identifiée. Le propos de l'article n'est pas de critiquer le travail de l'AFNOR, ce qui n'est d'ailleurs pas cité dans son commentaire : l'AFNOR fait un travail important. Le sujet ici est bien le mode de travail et de décision du groupe en charge de la procédure rapide (fast track) de l'ISO. Des représentants d'acteurs privés dans ce groupe ne me gênent pas fondamentalement : la question se situe au niveau du monbre bien moins important qu'il y aurait pour les représentants de l'administration publique et de l'État, notamment dans ce cas l'absence de la DGME (qui est en charge du RGI qui traite du format ODF et donc concerne le format OOXML). Dans la description donnée du mode de décision, il semble que le nombre de représentant ne compte pas, et que le consensus soit la règle. Dont acte. En souhaitant que des informations plus précises soient disponibles bientôt.
9 De Cricri - 03/02/2007, 17:11
Il est certain que L'AFNOR fait "ce qu'elle peut" pour se financer et les personnes qui y travaillent ne sont pas en cause . Mais nos chers politiques doivent comprendre que laisser des institutions trouver elles même les moyens de se financer conduit dans certains cas à des catastrophes (économiques ou industrielles) .
On est dans le même cas que pour l'Office des Brevets Européens ou l'IGN ...
Imaginons que notre belle assemblée nationale ne soit subventionée que par des sponsors et des mécènes , pensez vous que les lois qui y soient votées serait les mêmes ?
L'AFNOR ne doit pas être le bureau d'enregistrement du plus offrant surtout quand il existe un vivier d'experts compétents et au sein même de nos administrations ou de nos institutions .
Ces experts (ceux de la DGME ,des grands Ministères ou même d'Organisme compétents (INRIA , Universités, Grandes écoles )) n'ont pas été vraiment sollicités à propos des discussions sur les brevets logiciels il y a quelques mois .. Souvenez vous ?
Que des entreprises participent à ce débat (fussent elles Nords Américaines ) , pourquoi pas mais il faut vraiment faire la différence entre leurs intérêts économiques propres et l'intérêt général des Français ou des Européens .
10 De Thierry Stoehr - 03/02/2007, 17:41
Dans un format court (ce qui n'est trop le cas des articles !) : c'est un problème politique (au sens noble), en effet, et je suis ici bien plus pour l'intérêt général public.
11 De Dalb - 03/02/2007, 21:40
EDF "fait" les normes pour l'électricité, les industriels de l'automobile pour l'automobile, l'Education nationale pour la formation (et ce n'est pas là le pire)...... Ce sont donc les producteurs qui sont les "maîtres", et non les utilisateurs, encore moins la Société civile.Donc aujourd'hui, des sociétés américaines en tous les cas pas française pour l'informatique...
C'est bien LE problème général du fonctionnement normatif, et plus encore du système français où il n'existe pas de pratique d'enquêtes publiques, de vraies enquêtes préalables aux propositions...Mais quand on voit le seuil financier pour être adhérent à l'Afnor....
12 De lagarde - 05/02/2007, 10:35
Bonjour
En lisant cette article retransmis sur la liste service public j'ai voulu vérifier le point sur la DGME :
"Mise à jour du 2 février matin : l'université de Paris X et l'Inspection générale de l'éducation nationale (IGEN, Ministère de l'éducation nationale) seraient aussi présentes dans le comité en charge du dossier, au titre donc de l'administration publique (mais personne de la DGME en charge du RGI)"
En téléphonant à Pascal Souhard, chef du pôle RGI à la DGME Vendredi, il m'a confirmé que la DGME participait bien aux discussions qui ont conduit à une position de la france. Le résultat n'est pas à la hauteur des espérances mais fait il remarquer : "faire remonter une contradiction et obtenir un consensus d'un groupe de travail lorsque la définition même de contradiction est sujette à discussion et qu'il n'y a pas de possibilité de vote ne simplifie pas le travail".
(Ajout de Thierry Stoehr : voir plus bas pour la version de Pascal Souhard)
Pour ma part, je pense que vous devriez enquêter sur la position des représentations nationales de chaque pays qui votera à l'ISO, et analyser le mécanisme que développe les gros lobby pour se faire une idée de la notion de consensus. Il est certain que lorsque l'on a les moyens, il est possible de faire pression sur les représentants nationaux de sociétés internationales qui ont en commun d'avoir leur siège dans un même pays.
En conclusion vous pourrez faire un bilan entre la définition de format ouvert et le statut des normes "officielles" et qui plus est payantes.
P.Lagarde
13 De Thierry Stoehr - 05/02/2007, 13:56
Merci de l'information. Le caractère particulier du numéro de téléphone direct de l'intéressé (donné dans le commentaire) fait qu'il a été retiré, ce qui n'empêche pas de pouvoir le joindre sans trop de difficulté par courriel comme par téléphone.
14 De Captain Europe - 05/02/2007, 22:38
Contrairement à ce que dit Pascal POUPET (de l'AFNOR) il y a bien eu un vote vendredi dernier.
Quant à la présidence du groupe de travail, elle était assurée par un représentant d'une société américaine. L'AFNOR n'avait qu'un rôle de secrétaire de séance.
C'est ça la France ?
15 De Thierry Stoehr - 06/02/2007, 13:56
Une version m'a été transmise par Pascal Souhard, chef du pôle RGI à la DGME, à propos de l'appel téléphonique de vendredi mentionné ci-dessus : il a confirmé au téléphone que la DGME participait bien aux discussions.
16 De Dalb - 06/02/2007, 22:47
# Captain Europe
L'AFNOR n'a TOUJOURS qu'un rôle de secrétaire de séance. C'est le principe et le fonctionnement même.
17 De Captain Europe - 07/02/2007, 15:40
# Dalb
Je sais, mais vous ne trouvez pas cela "décalé" par rapport aux enjeux actuels de la normalisation ?
18 De Captain Europe - 07/02/2007, 15:43
Peut-on encore faire confiance à l'ECMA ?
Ma réponse est non.
Pour s'en convaincre il suffit d'aller sur leur site et de constater que la page
www.ecma-international.or...
a changé depuis lundi dernier. Certes, ils ont ajouté la documentation au format « docx » mais surtout ils ont changé le nommage voire même le découpage de la spécification.
Pour en avoir la preuve, il suffit de télécharger les documents et de constater que leur date de création est le 1er février 2007 !!!
Quand on va sur la page
www.ecma-international.or...
on voit que la page Ecma-376.htm est du « 07-Feb-2007 09:23 »
Les choses ne devraient-elles pas être figées, en pleine période de normalisation à l'ISO ?
C'est un nouveau coup bas de l'ECMA.
19 De Stephane Rodriguez - 09/02/2007, 18:34
Bonjour,
J'ai publié des objections JTC1 au sujet du format EOOXML de Microsoft proposé à l'ISO auprès des représentants US et de l'Afnor.
Le représentant US m'a indiqué avoir ajouté mes objections dans la liste des commentaires, mais je ne sais pas ce qu'il en sera fait, notamment d'ici au 28 février.
L'Afnor ne répond pas.
Quelqu'un en sait plus sur le sujet?