Des brevets dans des standards : un recul absolu
Cette nouvelle est un coup de tonnerre : l'organisme de normalisation OASIS envisage d'accepter des brevets dans ses standards.
Les standards établis par l'OASIS sont des standards ouverts, c'est-à-dire sans brevets. Cette absence de brevet facilite, encourage et accélère l'adoption du standard ouvert, disponible et utilisable par toutes les structures. Le dernier prix Turing décerné aux inventeurs du standard ouvert TCP/IP le soulignait par exemple clairement. L'absence de brevet dans les standards ouverts est un fondement d'une vraie interopérabilité.
L'OASIS (Organization for the Advancement of Structured Information Standards) envisage donc à partir du 15 avril prochain d'appliquer une nouvelle politique et d'accepter la possibilité que certains de ses standards disposent de brevets.
Une attaque déjà rencontrée dans le passé... et aussi très récemment...
Il est à noter que cette décision a connu un précédent similaire : le W3C avait aussi envisagé d'accepter des brevets dans ses recommandations (terme qui désigne ses standards), mais la réaction internationale de protestation l'avait fait revenir sur sa décision. En décembre 2004, le W3C a lancé un groupe de travail sur les brevets et les standards (le PSIG), mais apparemment en tenant compte de l'expérience précédente.
Et plus récemment encore, le 17 février dernier, l'association BSA (un regroupement de gros éditeurs informatiques) a fortement critiqué la volonté de l'Europe d'avoir des standards ouverts sans brevet. En effet l'Europe veut employer de vrais standards ouverts, pour lesquels elle a établi un cahier des charges qui indique absence de brevets. Or deux formats sont finalement en lice : celui de Microsoft MS XML (mais qui a des brevets), et OpenDocument d'OpenOffice.org... qui est soutenu par l'OASIS !
Que faire ?
Comment réagir et agir concrètement ? Une lettre ouverte, signée par des personnalités du monde des technologies de l'information a été publiée. Elle appelle à prendre clairement position contre ce projet :
- en diffusant largement l'information ;
- en écrivant à l'adresse open arobase rosenlaw.com pour indiquer son soutien.
Ce projet de l'OASIS va à l'encontre de ce qu'est l'interopérabilité. C'est un refus du principe même de l'échange et de la circulation des informations.
Sources et liens :
- L'article sur le site Groklaw et la lettre ouverte d'appel à action, An Open Letter Re OASIS Patent Policy & a Call to Action, en anglais, http://www.groklaw.net/article.php?story=20050222131432302
- L'article sur la réaction du BSA, BSA Criticizes EU's 'Open Standards' Policy, de Matthew Broersma, le 17 février 2005, http://www.eweek.com/article2/0,1759,1766199,00.asp
Voir aussi les billets sur les réactions AFUL, AFPRIL, FSF France et OpenOffice.org ; et le billet sur le soutien de l'EIfEL.
15 réactions
1 De Matthieu - 23/02/2005, 12:29
L'histoire se répète, on dirait. Et les décideurs n'ont rien appris des erreurs du passé. Rien de neuf sous le soleil, quoi.
2 De PJBlog - 23/02/2005, 13:18
Brevets, interopérabilité et formats ouverts
Pour commencer cet article UMTS: les brevets essentiels, épée de Damoclès pour les industriels - ZDNet.fr présente une analyse de la situation actuelle des brevets concernant les technologies du téléphone mobile. C'est pourquoi les statuts des...
3 De Neokraft Blog - 23/02/2005, 17:49
OASIS et les brevets
Je ne suis pas surpris du tout. OASIS est tout sauf le gentil organisme qui produit les formats OpenOffice et DocBook...
4 De rezki - 23/02/2005, 18:15
Une mauvaise nouvelle, une de plus. A moins que cette course au brevet ne permette d'en découdre une bonne fois pour toute et de poser les choses sur la table. La logique du tout brevet ne tient pas debout et alors on pourra s'expliquer pour de bon. Même les éditeurs de logiciels propriétaires ont tout à redouter de cette dérive.
5 De lucmars - 23/02/2005, 18:53
Le plus terrible est que sur le site d'OASIS à propos de l'IPR, la raison invoquée par le biais du groupe Gartner est que de par l'existence de brevets, alors la mise en place actuelle de tout standard ouvert est désormais à risque.
6 De nomade - 23/02/2005, 19:00
> Les standards établis par l'OASIS sont des standards ouverts, c'est-à-dire sans brevets.
Je ne comprends pas cette phrase : pourquoi un standard ouvert ne pourrait pas être breveté ? Si ses spécifications sont publiées et qu'il correspond à la définition donnée par la LEN : ( www.formats-ouverts.org/b... ) ?
Cela veut dire que le propriétaire du brevet doit renoncer à certains droits que lui confère le brevet. Alors quel est le problème ?
7 De babeloo - 24/02/2005, 01:39
bonjour nomade,
tu ne vois pas où est le problème ?
Qui peut détenir un brevet, compte tenu de son coût ?
Quel est l'intérêt d'une société de détenir au minimum 30 ans un brevet et de renoncer à ses droits ?
Créer un standard d'un format breveté c'est s'aliéner une partie de l'accès à la Culture. (désolée de faire court !)
Pourquoi ne pas breveter des formats de typographie, la ponctuation par exemple ? et s'il fallait payer des licences pour les points d'interrogation utilisés dans le présent......
8 De henri - 24/02/2005, 10:56
En acceptant les brevets, OASIS ne promouvra plus les standards ouverts (au sens de la LEN), mais autre chose...
La LEN, dans son application aux standards ouverts (donc sans brevets) devrait donc s'appuyer sur un nouvel organisme qui prendrait en charge ceux-ci. Bien sur BSA, Microsoft... bouderaient cet organisme, mais celui-ci serait detenteur du droit (au sens de la LEN), ce qui serait important pour les marches publics. Concretement il serait maitre des creations de standard open-source (dont le format openoffice, des formats audio et video, ce qui n'est pas rien)
La FSF pourrait aussi s'investir dans ce projet.
9 De nomade - 24/02/2005, 14:01
> bonjour nomade,
> tu ne vois pas où est le problème ?
Bonjour, je me fais l'avocat du diable mais c'est pour comprendre. Ton explication ne m'aide pas à comprendre, je ne vois pas la lien entre "standard ouvert" et "breveté". J'aimerais qu'on m'explique le lien de causalité dans l'affirmation suivante : "des standards ouverts, c'est-à-dire sans brevets". Si je lis la définition de la LEN d'un standard ouvert, il n'est pas mentionné qu'il ne peut pas être breveté.
Concrètement pour moi, un format breveté qui devient standard signifie que le propriétaire renonce à faire valoir certains droits de son brevets, comme d'interdire l'utilisation de son format aux autres qu'à lui, de l'interdire dans le futur, etc.. sinon, de fait, ça ne peut être un standard.
10 De Thierry Stoehr - 24/02/2005, 15:50
Bonjour Nomade (et Babeloo),
Je n'ai peut-être pas été assez clair. Je prends comme définition de standard ouvert celle de la LCEN, (avec un lien vers mon premier billet qui en parlait). La LCEN dans son article ne parle pas de brevet, je suis d'accord : le mot n'apparait pas. Mais il est indiqué « sans restriction de mise en uvre ». Or les brevets sont des restrictions de mise en uvre, au sens où il faut s'inquiéter s'il y en a... même si c'est sans paiement.
Un format breveté, ou plutôt un format avec des brevets sur une partie, peut selon la nouvelle politique de l'OASIS devenir un standard. Car pour eux, un standard ne sera pas forcément sans brevet. En revanche, pour tous articles de ce site, c'est justement standard ouvert qui prévaut, avec la définition de la LCEN. En fait, standard est un terme trop flou.
11 De pshunter - 24/02/2005, 23:45
Bonjour,
> le mot n'apparait pas
Et pour cause ! Comment un texte officiel saurait-il se soucier de quelque chose qui n'existe pas ? Je tiens à rappeler que les bervets logiciels, à fortiori sur les formats de fichiers n'ont pas la moindre existence légale dans notre pays.
Ceci ne nous concerne donc que de très loin...
12 De nomade - 25/02/2005, 01:15
> En fait, standard est un terme trop flou.
Merci, c'est là que j'en venais aussi.
Malgré tout, ce n'est pas très clair. Si la liberté de mise en œuvre n'est pas effective, le "standard" ne pourra pas se répandre... et alors il ne sera standard que dans le status, pas dans les faits.
Or comment un standard qui n'est pas utilisé peut être un standard ? l'OASIS a beau dire à tout le monde que c'est ça la référence, si personne ne s'y réfère, ça ne vaut rien.
Bref pour qu'un format breveté devienne un standard, il faut soit assouplir le brevet, soit assouplir la définition de standard : qu'est-ce que l'OASIS compte faire ?
Le W3C, dans le même débat, avait opté pour l'assouplissement du brevet, autrement dit, il imposait une clause qui empêchait de faire jouer un droit que confère normalement le brevet, je cite :
"Le principe retenu est que si un membre (une société) du W3C a des brevets sur une technologie, elle est obligée de donner une licence gratuite à tout le monde (membres et non-membres)." (source : formats-ouverts.org/blog/... )
13 De Quit Smoking - 16/07/2005, 06:49
I don't think that what's been said above is a truth. Doesn't sound real...
14 De Alain - 05/09/2005, 20:03
C'est pas possible :/
15 De random - 07/09/2005, 19:25
D'un côté ca peut paraitre normal pour les inventeurs de ces standards