Une seule langue, un seul format, un seul logiciel ?
Citation lu dans un article du Monde d'octobre 2004 et reprise dans un numéro de Télérama de mars 2005 :
Rien ne serait pire pour l'humanité que de progresser vers un monde où on ne parlerait qu'une seule langue. Ce serait un rétrécissement de la pensée. Cela voudrait dire une seule culture.
Jacques Chirac tenait ces propos en réponse à des questions de jeunes Vietnamiens le 7 octobre 2004 au Centre culturel français L'Espace de Hanoï (lors de son voyage officiel au Vietnam). Et si vous remplacez le mot « parlerait » par utiliserait et « langue » par format ?
La langue peut être vu comme un format non-électronique et ouvert... quand on a accès aux outils pour en comprendre le sens et le fonctionnement (dictionnaires, grammaires) voire en évitant les marques et expressions déposées.
A contrario, vivante ou morte, une langue est aussi un format fermé quand on n'a aucune information sur elle (sans dictionnaire pour la comprendre ou lorsqu'une langue uniquement orale voit sa dernière utilisatrice disparaître) ou quand un jargon bati avec des termes courants désignent des faits que l'on évite de formuler trop clairement (l'histoire, le marketing ou la communication en fournissent des exemples).
La diversité des langues, des formats, des logiciels s'oppose à l'idée de n'avoir qu'une seule langue, qu'un seul format, qu'un seul logiciel. Et cette approche d'avoir un unique logiciel est même parfois avancé comme un avantage :
La vérité est : moins il y a de systèmes d'exploitation différents dans une société, mieux cela est d'un point de vue de la sécurité. Simplement car on doit dépenser des millions de dollars pour assurer la sécurité de chaque système individuellement. Notre société possède un nombre incroyable de personnes qui sont responsables de ce type de sécurité en permanence. (Bill Gates, interviewé par le journal allemand Der Spiegel).
Sécurité avec un seul système uniquement détenu par un tiers ou sécurité grâce à la maîtrise indépendante des formats (code source ouvert des logiciels, formats ouverts des données, protocoles ouverts) ?
Sources et liens :
- Télérama n°2880 du 26 mars au 1er avril 2005, page 66, article Démission diplomatique, de Thierry Leclère
- Article du Monde Faut-il rendre l'apprentissage de l'anglais obligatoire dès le CE2 ? de Virginie Malingre, le 22 octobre 2004, http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-383817,0.html
- Interiew de Bill Gates par le journal Der Spiegel, "The Bad Boys are also Terribly Clever", le 31 janvier 2005, http://service.spiegel.de/cache/international/spiegel/0,1518,340395,00.html
[Rappel : En cas de vote favorable sur les brevets logiciels au Parlement européen, des fonctionnalités triviales (comme utiliser une base de données pour un site Web, ou la barre de progression) qui sont déjà brevetées ailleurs, seront valables en Europe si elles ont été acceptées par l'OEB. Avec le risque d'en voir d'autres brevetées. Cela pourra signifier des droits à payer pour les utiliser. Ce qui ne sera pas possible pour ce site, ni pour beaucoup d'autres, y compris ceux de sociétés.]
1 réactions
1 De elvex - 21/08/2005, 19:38
je ne suis pas sûr de saisir l'opinion de ce billet. Après réflexion, je me demande même si ce billet ne s'est pas contenté avec beaucoup de dignité et de justesse de poser une simple question, plutôt que de tenter d'y répondre.
Le parallèle avec les formats et les logiciels me semble relativement obscur, il me vient plutôt à l'esprit un parallèle biologique : tout le monde sait que de la diversité naissent les maladies, mais aussi les moyens de de les contrer. On n'oubliera pas que les méchants martiens de Wells furent décimés par un rhume. Je pense que personne aujourd'hui ne peut remettre en cause la diversité biologique.
Diversité des langues maintenant. On m'a parlé une fois de son importance, et si pour moi l' "époque pré-babel" (dans la bible, tout le monde parlait la même langue avant une intervention de Dieu) était une utopie, je dois avouer qu'en peu de temps, on m'a convaincu du contraire. Je ne pourrais pas reproduire le discours qui m'a été tenu, néanmoins, un exemple simple :
"kill'em all" sonne bien en anglais, mais pas en français.
"les sanglots longs des violons..." c'est le contraire.
On pourra m'objecter qu'il y a plus que la traduction littérale pour reproduire l'effet d'un texte. Il n'en reste pas moins que chaque langue est intimement liée à une culture, y compris des dialectes parmi les moins officiels, le jargon informaticien par exemple. En jargon informatique français, on peut employer distinctement les termes "quote" et "apostrophe" selon le contexte, afin d'améliorer la compréhension de l'interlocuteur (n'en déplaise à la DGLFLF, la branche du ministère de la culture en charge du vocabulaire). De même, l'emprunt de mots étrangers ou les néologismes ne sont pas nécessairement le remplacement d'un mot français par un autre, mais plutôt l'extension d'un champ lexial.
Bref, je suis de l'avis du monde : le rétrécicement des langues équivaut à un rétrécicement culturel. Mais de là à faire un parallèle avec les formats, je pense que c'est aller loin. Un format unique est-il préférable ? D'un côté, il y a le risque de dispersion, de l'autre, le risque de sclérose.
Je pense que la philosophie du "libre" résoud très assez justement ce problème, en n'empêchant personne de créer son propre format (diversité), mais en forçant l'emploi juste d'un format donné, grâce aux normes, spécifications, documentations.
Pour en revenir aux langues, je pense que l'erreur est de confondre le rôle du "dictionnaire", qui devrait plus être une documentation qu'une norme.