Vous avez acheté ce livre, mais le lire est interdit ! Et même plus...
Il y a déjà l'histoire ahurissante de la compagnie de car et des conductrices de voitures (même si cela se révélait être une fausse information reprise par la presse et par des sites Web, elle resterait symptomatique de ce qui pourrait être envisagé pour conserver son marché, avec une très bonne analogie avec l'informatique).
On pourrait croire qu'un concours a été lancé : après cette affaire, c'est au tour d'un des livres les plus médiatisés de s'illustrer de manière aussi ahurissante : Harry Potter (écrire ces deux mots ne viole pas a priori de clause particulière de licence d'utilisation).
L'histoire ci-dessous pourrait être une manière de faire ses premiers pas à propos du sujet des formats ouverts ou fermés, mais l'histoire de la compagnie de cars et des conductrices est déjà là. Prenons-la donc à l'humour... en osant aller là où les juristes n'ont pas encore osé publiquement dire qu'ils voulaient aller !
Il était une fois...
Il était une fois une série de livres, Harry Potter, écrits par Joanne Kathleen Rowling et publiés en version originale par l'éditeur Bloomsbury. Le premier tome, paru en 1997, connut le succès, qui grandit au fil des 5 tomes suivants et des adaptations cinématographique depuis 2001 (les formats marketing, publicitaire et de communication appliqués au phénomène contribuant sans doute à ce succès, en plus du livre en lui-même).
Voici donc le tome 6, Harry Potter and the Half-Blood Prince disponible à partir du 16 juillet 2005 minuit. Aucune vente avant cette date précise, même si les différents magasins possédaient déjà l'ouvrage. Aucune vente... sauf par erreur dans le magasin The Real Canadian Superstore de Coquitlam sur la côte ouest du Canada, où 14 clients purent acheter normalement le livre : il avait été disposé en rayons, suite à une erreur d'inadvertance du magasin, qui retira rapidement les ouvrages.
Et alors...
Et alors, que faire quand 14 lecteurs possèdent légalement un livre vendu par erreur avant sa date prévue de publication le 16 juillet ? Interdire aux possesseurs du livre de le lire ! En effet, par décision de justice, l'éditeur canadien de Harry Potter, Raincoast Books, a obtenu une injonction (John Doe injunction) qui interdit aux acheteurs de lire leur livre de Harry Potter avant la date de publication officielle...
La Court suprême de British Columbia a émis une ordonnance interdisant tout possesseur du livre de « montrer, lire, offrir à la vente, vendre ou montrer en public » leurs livres. Les avocats de J. K. Rowling ont dit que « l'auteur était autorisé à interdire les acquéreurs de lire leurs propres livres même s'ils n'ont pas enfreint la loi ».
Mais voyons, il est possible de faire bien mieux !
L'histoire est déjà assez folle. Mais il faut admettre que messieurs les juristes sont vraiment encore très timides et font preuve d'une retenue toute professionnelle.
Aidons-les donc pour qu'ils n'aient plus peur de se lancer « pour établir et faire valoir des textes juridiques en rapport avec la société de l'information et de la connaissance dans laquelle le droit est encore plus le garant du respect des auteurs et des éditeurs. » Et ces lignes pourront même servir : il aura déjà été écrit et publié ce qui suit et qu'ils n'osent encore dire, trop timides !
Voici donc en exclusivité quelques clauses qui élargissent efficacement la gamme des possibilités :
- durée : vous pouvez n'être autorisé à lire le livre que pendant une durée déterminée (que lors d'une saison, qu' entre deux phases de lune,...) : au-delà, le droit de lecture est rétiré ;
- lieu :
- la lecture est autorisée à votre domicile (qu'il soit loué ou possédé ; le cas des résidences secondaires est autorisé jusqu'à concurrrence de deux adresses différentes) et dans un rayon défini (5 kilomètres généralement) ;
- vous ne pouvez lire le livre que dans les endroits compatibles avec l'acte respectueux de lire établis par l'auteur et l'éditeur (l'exclusion de certaines pièces est possible) ;
- la lecture est interdite dans un lieu public (comme une plage, un jardin public, une terrasse de café,...) et dans un moyen de transport collectif (bus, car, train, avion, bateau,... sauf si le véhicule est privé, comme un jet privé ou un yacht privé) afin de préserver le caractère privé de votre copie privée ;
- tenue : la lecture du livre doit respecter la volonté de l'auteur et de l'éditeur, qui peuvent exiger une tenue correcte et décente de la part des lecteurs (se reporter à la notice détaillée figurant en tête de livre sur les vêtements à porter, avec le cas des marques partenaires) ;
- rangement : certains livres ne peuvent être rangés que dans des meubles de marques partenaires de l'éditeur ; de plus certains livres ne peuvent pas être rangés en étant mis en contact avec la couverture d'autres livres (liste figurant dans la notice légale) ;
- intégrité physique : il est interdit de porter atteinte à l'intégrité physique protégée du livre telle que établit par l'auteur et l'éditeur : sont donc interdits les actes altérant, modifiant ou dégradant le livre. Il est notamment interdits : d'y inscrire un nom, une date ou un texte ; de corner, plier ou arracher les pages ; de souligner, annoter ou grifonner ; de recouvrir d'une couverture protectrice ;
- produits dérivés et actions dérivées :
- toute forme de produits dérivés est interdite sans accord express, notamment les dessins d'enfants faits à partir du livre, les images photographiques du livre (couverture, pages), les spectacles tirés ou inspirés du livre même dans le cadre de son domicile ;
- sont interdites toutes actions autres que la seule et simple lecture. Il est donc notamment interdit de : se servir du livre autrement que comme un objet à lire (l'utilisation du livre comme arme défensive est accordée dans le cas de légitime défense avéré et en dernier recours) ; lire à haute voix plus fort que la mesure indiquée dans la licence du livre (10 dB par défaut) ; publier un commentaire, une réaction ou un jugement sur le livre ;
- cas particuliers : comprendre ou appliquer les propos d'un livre n'est autorisé que dans certains cas précis (manuels techniques agréés, textes officiels des autorités).
Sources et liens :
- Le site officiel de J.K. Rowling, en anglais, http://www.jkrowling.com/
- Les pages sur Harry Potter sur le site de l'éditeur anglais, Bloomsbury, en anglais, http://www.bloomsbury.com/harrypotter/
- Le très riche dossier Harry Potter dans l'encyclopédie Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Harry_Potter
- Le dossier de Gallimard, l'éditeur français de Harry Potter, http://www.harrypotter.gallimard-jeunesse.fr
- Article Reading ban on leaked Harry Potter de Jack Malvern (Arts Reporter) et Richard Cleroux, Times on line, le 13 juillet 2005, http://www.timesonline.co.uk/article/0,,2-1691805,00.html
- Article Interdiction de lire Harry Potter de Frédéric Couchet, le 21 juillet 2005, http://www.couchet.org/blog/index.php?2005/07/21/21-interdiction-de-lire-harry-potter
- Les 10 droits imprescriptibles du lecteur, tirés du livre Comme un roman de Daniel Pennac, http://www.lettres.net/livre/commeunroman.htm
6 réactions
1 De martoni - 28/07/2005, 16:07
14 pekins seulement, et il font tous ce foin pour 14 bouquins!! Ils sont pas tres malin les juristes de JKRolling, au lieu de les menacer (surtout que je pense que ca a ete completement inutile) ils aurait pu leurs racheter ou leur offrir je sais pas trop quoi pour qu'ils ne divylgue pas l'histoire avant l'heure ! Surtout que c'etait pas tres longtemps avant la date de sortie de l'ouvrage !
2 De Ascoët - 28/07/2005, 16:10
La premiere mise en œuvre de ce genre de logique a grande echelle fut le DVD. Il est impossible de lire un DVD en dehors d'une zone geographique pour laquelle il est concu. C'est la raison pour laquelle, depuis le départ, je le boycotte après avoir été horrifié par cet occasion de créer un média unique, intéropérable dans le monde entier. Et en plus, on ne peut meme pas en faire de copie privée alors que l'on paye une taxe sur chaque cassette pour cela(je me demande comment ca fonctionne pour crypter le signal quand on enregistre le magnetoscope et non en affichage. Si quelqu'un a des explications la dessus...)
3 De Ano - 29/07/2005, 09:01
La protection anti-copie des DVD, dit procédé Macrovision, consiste à pipeauter les informations sur la luminosité de l'image. Les télés n'en tiennent aucun compte, mais l'AGC (Automatic Gain Control) des magnetoscopes se laisse berner et "corrige" l'image enregistrée en fonction de ses informations. C'est ainsi qu'en "compensant" le magnetoscope enregistre une image déteriorée.
4 De Ascoët - 29/07/2005, 11:25
Et il n'y a pas une solution a ça? (je le repéte, c'est pour de la copie privée, de toute façon, je ne vois pas comment je pourrais faire de la copie de masse en (S)VHS...)
5 De Mozinet - 29/07/2005, 11:41
Mais si le livre est vraiment mauvais, la loi devrait absolument réserver le cas de l'utilisation du livre comme cale à armoire...
6 De Philippe PETER's blog - 24/08/2005, 01:14
Formats-Ouverts.org
Un site exceptionnel à découvrir : uun vrai travail de citoyen pour la liberté. C’est peut-être bien revenir aux sources d’Internet… ...