J'écris ces quelques lignes à propos d'une personne qui ne les lira sans doute jamais. Mais elle a volé mon ordinateur et elle est victime des formats. Hélas pour elle. Voici son histoire.

Situons tout d'abord le cadre général : après le samedi 7 septembre à la Braderie de Lille (où ce fut la reprise des interventions de Formats-Ouverts.org pour l'année 2008-2009), le samedi 13 et le dimanche 14 se déroulèrent à la Fête de l'Humanité. Chaque fois ce fut dans l'espace logiciels libres sur le stand de l'AFUL : expliquer le monde du libre, expliquer l'importance des formats.

Soyons plus proche de la scène du délit : comme dans presque tous les salons, il y a l'allée où passent les visiteurs, il y a les tables des exposants (avec prospectus, autocollants, chaussettes de portable,...) et il y a les exposants (assis ou pas, qui parlent avec les mains ou pas). Il y a aussi des sacs posés aux pieds des chaises, juste à côté ou juste derrière les exposants. Et là eut lieu le coup de culot délictueux.

En effet, sans que rien ne soit remarqué, l'auteur du geste voleur passa et emporta une banale sacoche, de format un peu plus grand que le A4. Ni vu, ni connu. Le vol ne fut découvert que trop tard pour se ruer derrière son auteur comme dans certains films ou séries. Aucun super-héros ne volait dans les alentours, aucun flashback possible. Pour ne pas trop allonger le texte, j'omets de relater ici tout le bien que j'ai alors pensé.

Score à la mi-vol : 1 point en faveur du voleur... pour l'instant. Continuons et suivons notre voleur.

Car à l'instant où ledit voleur espère avoir entre les mains un bon butin, commence sa descente vers les affres de la déconfiture.

Il a volé la sacoche, il est en sécurité, il ouvre la fermeture.

Des papiers d'identité ? Des cartes bancaires ? Un porte-feuille ? Un chéquier ? Des pièces ou billets ? Que nenni, rien de tout cela ! Juste quelques pages de journaux, un magazine télé d'une semaine écoulée, des pages A4 (au nombre de 50 exactement) avec sur chacune 10 textes de présentation de Formats-Ouverts.org et une paire de ciseaux.

Rien de valeur. Chou blanc.

Mais que voilà donc de blanc dans la sacoche ? Un ordinateur portable ? Oui ! De marque Apple. Un bon butin ? En soulevant l'écran, premier contact et première surprise : de nombreuses touches du clavier ont leurs lettres totalement effacées... Il a beaucoup servi. Aïe. En pressant le bouton d'allumage, l'ordinateur démarre et arrive un écran avec ce mot : Ubuntu. Késako ? Ce n'est pas Windows ? Ce n'est pas Mac OS X ? Et si le voleur connaît Linux : quel est l'identifiant puis le mot de passe ? Ce n'est pas thierry puis thierry, désolé, j'ai passé l'âge.

On ne rentre pas. Chou blanc (bis).

Le regard se porte alors sur le modèle précis inscrit sur la machine ouverte : iBook G4. Une petite recherche est formelle : plus de 4 ans d'âge avec un microprocesseur PPC désormais abandonné par Apple ! Une antiquité, ou presque.... Mais cet antique numérique ne vaut guère.

La machine n'est pas récente. Chou blanc (ter).

Peut-être alors les données qui sont dessus ? Car le plus important, ce sont les données. Retour à l'identifiant et au mot de passe : imaginons que la barrière saute. Prouesse. Alors, où sont les données ? Des courriels, des fichiers et des documents aux formats ouverts txt, HTML, PDF et LaTeX (mais aucun relevé de banque ni code bancaire, pas de ça ; et aucun fichier de photo, de video, de musique). Données invisibles. Il se pourrait que ces données soient quelque part dans une partition chiffrée (on ne dit pas cryptée mais chiffrée), dans un format bien plus sûr... Et pour y accéder, il y a peut-être (entre autres) une pass phrase, un mot de passe sous forme d'une longue phrase... Et ce ne serait pas moi thierry, désolé, j'ai passé l'âge.

Pas de données. Chou blanc (quater).

Tiens, la batterie faiblit et indique qu'il ne reste plus que 30 minutes d'autonomie. Le câble. Où est le câble électrique ? Il n'y a rien dans la sacoche, car il était rangé ailleurs. Qu'à cela ne tienne, un câble d'alimentation classique fera l'affaire. Non ! Le format de la prise pour l'ordinateur est particulier et propre à Apple et à ce modèle qui n'est plus disponible.

L'ordinateur va s'éteindre. Chou blanc (quinter ?).

Sans aucune sauvegarde des données, c'est une perte pour le volé et un point pour le voleur. Mais il est possible d'avoir des fichiers copiés ailleurs que sur sa machine, sans oublier les informations, notes et notules au format papier. Alors la perte est moindre.

Résumons la situation du voleur : pour l'ordinateur portable, c'est un modèle très ancien, équipé d'un clavier avec des touches effacées, sans données, à la batterie vidée et sans câble électrique ; pour le reste de la sacoche, du papier (un vieux magazine, des pages A4 de publicité) et une paire de ciseaux.

Score final : 1 pour le voleur, 5 pour le volé. C'est une correction (avec une collection de choux blancs).

Voilà donc un voleur qui n'a pas gagné de butin malgré son travail du dimanche : dépité et déconfit, c'est une pauvre victime des formats... qui sont vraiment sans humanité.

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