Lettre ouverte : Quand voter n'est plus un acte civique
Lors des élections, le vote électronique sera utilisé par plus d'un million d'électeurs en France : ils exprimeront leurs choix sur des « machines à voter », véritables petits ordinateurs équipés de logiciels. Ce vote remplacera dans ce cas le vote papier.
Mais ce vote électronique n'est pas compatible avec une République démocratique.
En démocratie, le vote des citoyens est l'un des actes les plus importants. Et de part sa nature même, le vote papier est une garantie de démocratie.
Le débat entre le vote électronique (voire le vote en ligne) et le vote papier fait s'affronter des arguments à propos d'écologie, de rapidité des résultats, de sécurité et de fiabilité des machines, de modernité de la démarche ou encore du manque de citoyens pour décompter voire de participation.
Ces arguments sont pertinents, mais il en est un plus simple et plus important encore : le dépouillement, avec ses deux corollaires, sa compréhension et sa vérification, y compris a posteriori.
Le vote à l'école et l'École du vote
Chaque citoyen majeur est capable de comprendre et de vérifier le vote papier, sans distinction de formation, de milieu social ni d'âge.
Voter est un acte d'une telle importance en démocratie qu'il est en France l'un des objectifs d'apprentissage et de formation de l'École obligatoire de la République. Dès l'école élémentaire, savoir lire, écrire et compter permet de pratiquer le vote : cela est effectué à l'école puis au collège et au lycée, en utilisant même souvent les isoloirs et les urnes officiels.
En âge de voter, tous les citoyens ont pratiqué le vote papier lors de leur scolarité, et surtout, ils l'ont compris et savent le vérifier grâce aux connaissances qu'ils ont acquises.
L'École de la République est l'école du vote, elle en assure sa compréhesion par tous. Or avec le vote électronique cela disparaît : fin des bulletins papier et fin du dépouillement. Fin donc du contrôle libre et égal par tous pour tous.
Ne faut-il pas d'ailleurs voir comme un symbole fort les nombreux bureaux de vote qui sont situés dans des écoles, rappellant l'une des missions de l'éducation : former des citoyens éclairés.
Deux questions à propos de « l'acte civique » de voter
Dès lors, les questions qui se posent sont simples :
- Faut-il rendre incompréhensible et invérifiable au nom de toutes les raisons possibles l'acte aussi capital que le vote ?
- Quelle position et quelle décision seront prises à propos de ce sujet par les élus et les responsables ?
Il ne s'agit pas d'un débat des anciens contre les modernes, mais d'une question de citoyenneté. En tant que citoyen, je vote contre le vote électronique, qui n'est pas digne de la République.
« Voter est un droit, c'est aussi un devoir civique ».
Cette phrase est écrite en dessous de la devise française sur chaque nouvelle carte électorale en papier et en couleur, reçue récemment. Devoir civique signifie « devoir de citoyen », ce qui implique cet autre principe démocratique :
Dépouiller ouvertement les votes est aussi un droit civique.
Références et liens :
- Site Ordinateurs-de-vote.org, de Pierre Muller, http://www.ordinateurs-de-vote.org/
- Pétition pour le maintien du vote papier, http://www.ordinateurs-de-vote.org/petition/
- Site Betapolitique, http://www.betapolitique.fr/libertedevote/
- Voir aussi le dossier et l'article « Vote électronique : format ouvert ou format fermé ? »
Et sur Formats-Ouverts.org :
- il y a 1 an : Rendez-vous à Sophia Antipolis (Un exposé lors des JM2L 2006 près de Nice)
- il y a 2 ans : Le format pour les horodateurs (Avez-vous le bon format pour payer ?)
3 réactions
1 De Thomas - 18/04/2007, 09:26
D'habitude j'aime bien vos articles sur ce site mais le je dois dire que j'ai un peu de mal. Déja je ne vois pas trop le rapport avec les formats ouverts. Si cela se trouve ils utilisent linux sur les machines a vote (ca m'etonnerais mais bon c'est un exemple).
Ensuite lorsqu'on brandit bien haut l'étandard de la république et de la démocratie comme dans ces phrases qui me hérissent le poil :
"Mais ce vote électronique n'est pas compatible avec une République démocratique."
"En tant que citoyen, je vote contre le vote électronique, qui n'est pas digne de la République."
Ce sont des affirmation gratuite et sans fondement.
Attention je n'ai pas dis que j'étais pour le vote éléctronique, mais l'article ne me fera pas voter contre le vote elctronique, car l'argumentaire manque un peu de solidité.
2 De axc - 19/04/2007, 22:10
@ Thomas
Le papier imprimé n'est-il pas le format le plus ouvert qui soit ?
L'écrasante majorité des Français sait lire et compter ; ça tombe bien, c'est tout ce qu'il faut pour pouvoir contrôler le bon déroulement du vote.
Avec les ordinateurs de vote, on a un format fermé, *forcément fermé* puisque le code source ne doit surtout pas être accessible à qui que ce soit en-dehors du ministère de l'intérieur - et éventuellement de la société qui contrôle les machines.
Et question contrôle, bonjour ! Non seulement il faut être ingénieur bac+N pour être à même de comprendre le fonctionnement d'un ordinateur de vote, mais de surcroît il faut être accrédité par le ministère de l'intérieur.
Et là, je ne vois pas quel contrôle ma boulangère, mon banquier, mon voisin ou moi-même pouvons exercer en tant que citoyens sur le traitement réservé à nos bulletins de vote.
Avec le vote électronique, j'ai l'impression de déposer mon bulletin dans un trou noir où je ne sais pas qui le récupère ni ce qu'il en fait. Et après, sans savoir comment on arrive à ce résultat, on nous donne les scores des candidats...
Et bien moi non plus je ne trouve pas ça très démocratique ni républicain.
3 De Thierry Stœhr - 20/04/2007, 12:37
Je tiens à répondre en détails à Thomas, et merci à axc pour son commentaire, et aussi merci de votre lecture du site.
« Le rapport avec les formats ouverts » ? Sans aller jusqu'aux formats qui sont partout ( formats-ouverts.org/blog/... ) y compris dans le non-électronique ( formats-ouverts.org/blog/... ), il y a d'un côté une machine avec un logiciel, libre ou pas, enfermé dans une boite, et de l'autre le papier et ses « technologies » associées simples et claires. Et j'avais écrit précédemment que le format du vote électronique est un format fermé ( formats-ouverts.org/blog/... ).
« Ils utilisent du Linux » : même si tous les ordinateurs à voter utilisaient des logiciels libres (Linux comme système d'exploitation et d'autres logiciels libres avec), cela ne serait pas suffisant. Quelle garantie que ces ordinateurs à voter les logiciels libres fassent bien ce que le code source dit ? Très compliqué à vérifier dans chaque cas. A contrario, une urne bien vide en début de scrutin, scellée, et une urne vidée en fin de scrutin conformément aux règles de dépouillement : cela est facile à vérifier, c'est ouvert à toutes et à tous.
« Phrases hérissent le poil » : je comprends que ces phrases passent pour exagérées car trop utilisées. Mais ce choix de formulation est bien volontaire, il traduit ma perception et mon avis. Et je n'en abuse pas du tout. Parfois, ce type de formule est nécessaire pour le message, et je pense qu'ici en effet il l'est.
« affirmation gratuite et sans fondement » : je pense mettre rarement des formules gratuites, elles me semblent fondées à propos de la description que je fais, basée sur les éléments à propos de chaque type de vote.
« Argumentaire manque un peu de solidité » : alors je n'ai pas réussi à trouver le bon format pour vous présenter les choses. Pourtant l'approche basée sur la compréhension et la vérification par toutes et par tous du vote papier et de son dépouillement me semblait bonne, y compris en rappelant que l'école le permet.
Il y a aussi 7 autres formulations sur le sujet du vote électronique invérifiable, avec des reprises de slogan ou de citation (un détournement de formulation) : formats-ouverts.org/blog/...